Lundi 31 mai 2010 à 0:24

     C'est en zappant sur quelques une de leurs photos, le lac, les rires, sourires, guitares, les têtes de déterrés au petit matin, que je me suis rendu compte que depuis trop longtemps, ma vie était vide de bonheur. Est ce que je suis condamné à ça ? Après des années de psys et de psys et de psys, et d'angoisses et de mélancolie, est ce que je suis censé accepter que la seule délivrance ne viendra que de l'expression artistique, pour un court, trop court moment, et que je ne serai jamais en paix ? Combien de temps tiendrais je dans cet état d'esprit, en continuant à faire de la musique pour me vider les tripes, mais sans jamais arriver jusqu'au bout ? Est ce que je connaitrai un jour le simple bonheur de certains ? Pourquoi est ce que ma tête est toujours en perpétuelle réflexion, couches par couches, jusqu'à embrouiller n'importe qui ? Je me souviens des diagnostics et de mon refus des médicaments, des heures creuses à parler devant des barbes et des lunettes indifférentes. A remettre en question l'utilité même des psychologues, et à pourtant venir toutes les semaines dans le même cabinet, et puis un autre et un autre. Jusqu'à ce que j'arrête. 

Je ne me sens pas mieux, pas plus mal. Toujours cette vieille même angoisse que je ne connais que trop bien. Quand j'avais six ans, c'était des cauchemars, déjà la peur d'être abandonné, la peur de la mort, et puis plus tard ça a été de la mythomanie incontrôlée, pour qu'on m'accepte, et enfin dès treize, la cyclothymie, et les cycles des trois mois que je haïssais et subissais sans pouvoir rien y faire, avec fatalement le même dénouement. Retour chez la barbe et les lunettes, pétage de cable, dépression, danger pour moi même et les autres. Et l'ultra réflexion avec le cerveau qui chauffe et qui surchauffe et boum.

Fatalement tu sombres dans une noirceur qui devient habituelle. Aujourd'hui j'adore m'allonger dans l'herbe, m'éteindre pour quelques instants. Je déteste devoir me relever. J'ai trouvé des palliatifs, la musique, Jack the Ripper, écrire... J'ai toujours tout fait pour avoir l'admiration des autres tout en me moquant de moi-même; au final, personne n'ira avec moi dans la tombe.

C'est cette ultra lucidité constamment présente seconde après seconde, qui m'étouffe, toujours savoir que je vais mourir, toujours savoir que tout s'arrêtera, ça m'obsède, ça me hante, ça ne me lâche jamais, ou alors pendant ces trop courts instant derrière lesquels je cours, la délivrance de la fin du morceau, l'abandon total de soi même de la prestation. Ecrire ne me soulage pas, je ne sais pas pourquoi j'écris. 

Les canapés des psychiatres sont un mythe. Tous ceux que j'ai consultés n'avaient que des fauteuils inconfortables. 
 

L'ironie de la chose, c'est que les cercueils, eux, sont molletonnés.

 

 

 

 


 

Vendredi 14 mai 2010 à 3:58


     Ma main qui va chercher son cou, écarte une mèche de cheveux. Dans la nuit, le crissement de sa veste en cuir "même pas à elle" sous mes doigts. Je la serre dans mes bras. Son visage passe de l'autre côté de mon nez, presque en rythme, pour continuer à m'embrasser. Cela va bientôt faire une demi heure que nous oublions le temps, perdus au milieu de ce hall d'immeuble inconnu où on nous a fait rentrer par erreur, et ainsi postés, sans passé ni futur, nous sommes deux amoureux des romans de Modiano que je lui ai conseillé plus tôt.

Je ne sais pas trop quand tout a dégringolé. Peut être quand Jules que j'apprécie tellement m'a assassiné avec le sourire en me disant qu'elle m'adorait mais qu'elle n'était pas amoureuse.

Jeudi 13 mai 2010 à 23:59

    C'est tout de même amusant, la personne de ma génération que je respecte le plus au niveau du talent d'écriture tient un blog qui est absolument inconnu de nos chères élites de la blogosphère.

Je ne sais pas pourquoi, bon, c'est un ami, bien sur, mais ça n'a absolument rien à voir, non, voilà une personne qui, premièrement, ne s'étale pas des heures sur sa vie comme je peux le faire, et ça sur une blogosphère, c'est tout de même rafraîchissant, mais qui est plus que cela, et voilà où est son talent :
Non content d'écrire avec de belles situations, celles qui plongent dans nos rêves, il double cela d'une réelle maîtrise de la technique (volontaire ou involontaire, je n'en sais rien) d'écriture, des sonorités, d'un univers que le souffle de ses mots glissés à l'oreille nous empêche de quitter.


-"Arrêt des sens, seuls les sons comptaient, sublimés par les sonorités des sillons de cire."
-"Admirant l'infini fragilité de ses mains, elles s'animaient dans une grâce cadavérique; douleur chorégraphiée dans le ballet de ses doigts crispés.
Lointaine conversation, on y évoquait Tocqueville ou Platon, présences dérangeantes dans les traits de l'harmonica d'une mélodie soufflée par le vent des années soixante."

   Je pense que ce que j'admire le plus chez cet homme, c'est qu'il fait vivre ces textes d'une spontanéité naïve et douloureuse, totalement irréfléchie et qui se nourrit de l'instant, spontanéité qu'il me semble avoir perdue dans mes articles. Je suis fasciné par les éclats de douleurs que je ressens à la lecture de ses mots, la mélancolie torturée et pourtant tellement calme qui imprègne mon esprit pour des heures de ses tranquilles sanglots. On y voit se dessiner un adolescent trop pâle, qui hante sa vie les yeux grands ouverts,  absorbant, endurant les horreurs de l'amour et des sentiments, surtout ceux des autres, ceux qui font le plus mal de ne pas nous être destinés.

Il y a une phrase qui m'a marqué le plus ces derniers temps, à la lecture de ses notes, une phrase ridiculement simple et terriblement efficace, qui m'a marqué au fer rouge:

-"Le froid mordant d'une chambre où il errait plus qu'il ne vivait."

Bon sang, que dire de plus quand une phrase sans aucune prétention résume une vie entière, un héros romantique, presque un roman entier ?


  Alors avec tout ça, quel plaisir de se rendre compte que de tous les superbes blogs que j'ai pu voir, le seul à mon sens qui cache un écrivain potentiel soit oublié de tous, perdu au fond de la masse, sans amis "célèbres", sans design extraordinaire.
 

Mais après tout, qui se foutait de la gueule des carnets de Beaudelaire ?


Saynotl

Dimanche 2 mai 2010 à 1:17


      Sans préliminaires aucun, il faut que je vous fasse partager ce sentiment que j'ai vêcu il y a trois jours, mon coeur explosant, mes mains tremblantes, les regards de complicité, la musique, enfin, et en tout.


Vendredi, nous avons avec mon groupe de musique effectué notre première répétition dans un studio de musique, les Basement, à Paris, avec du matériel de live, des micros, des tout ce que tu veux à portée de main.

On a décidé de jouer Slowing Our Heart Beats, qui n'est que l'intro d'une chanson inédite nommée "Enfer Et Contre Tout." J'aime beaucoup cette composition, parce qu'elle est fiévreuse et hantée, et c'est ce que je veux atteindre dans ma musique, un stade où les notes de piano foutent mal à l'aise et déchirent les entrailles, un stade où je m'emporte à mon micro, pris dans les paroles et l'intensité de ce que j'essaye de faire passer.
 

C'était la première fois que je me mesurais à un micro par rapport à une composition, surtout une aussi personnelle et intense. Comment exprimer ça... C'est comme un sentiment qui part de très loin dans les entrailles et qui commence à faire trembler votre corps entier. Ma jambe bat la mesure, et je sens la fièvre envahir mes épaules, mes bras. Mes mains se crispent sur le micro, et pendant que la fièvre gagne mes yeux, je commence à chanter la lente descente aux enfers de la chanson. Open chord de la, piano hanté, répétitif, imposant. 

Break.

"Je reste enfer, et contre tout, je reste enfer, et contre toi". Déchainement. Le piano prend toute sa mesure sur sa nouvelle structure et me déchire les entrailles, je me balance compulsivement comme agité par la souffrance que j'essaye de faire passer à ceux qui m'écoutent. J'ai sorti le micro du stand, il est collé contre moi dans ma main gauche, mon autre main se saisit du stand et le presse entre mon torse et mon bras droit, oscille, chancelle avec. Je déraille. La chanson se termine sur un cri de frustration, bref, et sans appel. Je met cinq secondes à revenir à la réalité. "Bon, elle était pas mal, il faudrait qu'on la reprenne pour bien fixer ces guitares, surtout pour la transition à la fin de l'intro. Okay."

Pendant six minutes, j'ai été catapulté en enfer. Dans mon enfer, mes passions, mes pulsions, j'ai pu enfin extérioriser ce qui me ronge. C'était fantastique. Je suis taillé pour le live, je sens qu'il me bouscule de l'intérieur, qu'il ne cherche qu'à sortir, à montrer au monde ce que c'est que ma détresse.

Les gens jugeront de notre talent, mais ils ne pourront pas dire que je manque d'intensité. L'intensité, la fièvre, voilà ce qui me lance et me poursuit, me colle devant un micro, me fait chanter. Parce que quand le dernier son mourant s'échappe de mes lèvres, j'accède enfin à ce que mon corps assailli réclame depuis bien longtemps.


L'apaisement.




 

Jeudi 15 avril 2010 à 0:04

    
    Ca fait encore cinq minutes que je ne sais pas commencer cet article. C'est difficile d'écrire comme ça parce que je ne suis pas là pour vous faire le résumé d'un événement ou vous parler d'un film ou d'une musique. Je suis là, comme la plupart du temps ici, parce que je me suis mis de la musique dans les oreilles et que mes jours ne sont pas les plus roses en ce moment. Vous venez lire, peut être avec le sentiment de n'être ainsi pas les seuls perdus dans vos histoires. Dans le métro, les gens passent si vite, ils ont tous l'air si occupés que j'ai l'impression d'être le seul à marcher lentement, perdu dans mes pensées, m'arrêter le temps que passe trois métros pour écouter un saxophoniste jusqu'à la fin de son morceau, par exemple. 

   Parfois on me sourit, dans la rue, des jeunes filles, ça me fait plaisir le temps que ça me fait plaisir, c'est comme coucher avec les filles avec lesquelles je couche. C'est plaisant. On passe une bonne soirée, une bonne nuit, on part le matin avec le sourire. Mais on part le matin. 

Ma guitare m'aide vraiment, la musique, j'ai composé une belle chanson, ça parle d'un gamin un peu à part, qui passe son temps dans sa tête, qui parle aux baleines quand il dort. Un jour, on le retrouve mort sur la plage où il passait le plus clair de son temps, et on ne s'explique pas pourquoi. Je trouve ça... Joli. Je suis fier de cette chanson.

He's giving names to the Unknown Soldier,
He talks to whales when he is asleep,
Some might say he's a little strange, now,
But he's the only one left for me.


Je n'ai pas dit la chose la plus importante ce soir. J'ai envie d'une amoureuse, et ça me fout en l'air.
 

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