Lundi 24 octobre 2011 à 19:57

       "La vie doit continuer mais j'ai oublié pourquoi."
                Edna St. Vincent Millay

 

    Bloqué une heure dans une gare obscure à attendre un train qui ne vient pas, j'ai presque envie de faire un petit point sur ma vie. Mais parler clairement n'a jamais été mon point fort.

    -Les plus beaux moments de ces derniers mois anesthésiés ont surement été mes ballades le long de la seine, dans la froideur blanche du début d'hiver. Seul ou accompagné par un ami, à marcher dans les reflets aveuglants du soleil. Suivi de grands cafés chaud aux terrasses des Starbucks. Un enchantement.

     A vrai dire, tout le reste me semble artificiel, sans intérêt, ou trop dur pour en parler à coeur ouvert. C'étaient de bons moments, ces ballades.

 

 

 

       "En quittant les voies rapides, mon père prenait toujours ce raccourci pour rentrer à la maison. Derrière lui, et encore enfant, je comptais les peupliers, avec la certitude qu'il en disparaîtrait si j'oubliais de faire mon inventaire."

 



 

 

Lundi 24 octobre 2011 à 0:24


     Elle s'appelle Endorphine, et je la préfère le soir, dans la lueur des phares qui s'éloigne...

 

J'ai trouvé le prénom de la fille, grâce à elle. Je le donnerai plus tard. Elle a conservé ses sous-vêtements dans son sac, après l'amour. Détail troublant.

 

" Au même moment ailleurs, on se préparait à sortir, on soignait son apparence. Des mauvais garçons devaient glisser quelques capotes dans les pochettes arrière des portefeuilles, en espérant s'en servir avant la fin de la nuit. On attendait les voitures qui viendraient nous chercher. Bientôt, on reléguerait la solitude pour quelques heures nouvelles d'extase et d'abandon. On danserait sous les lueurs traumatiques et syncopées des spots. Les corps se découperaient, s'entrelaçeraient. On saisirait une fille à bras le corps, peut-être, on la prendrait à la passion dans un appartement obscur dont la nuit nous cacherait les contours. Le désir arrogant, qui n'écoute personne, m'a fait légèrement trembler, un début d'érection mal placé s'est emparé de mon bas-ventre. Dans quelle optique ? J'ai repensé à Mathilde. A ses seins nus. Peut-être à défaut d'une mère avais je besoin de m'abandonner entre les bras d'une femme. Les endorphines libérées par un orgasme sans plaisir m'accorderaient tout de même le sommeil.


    -Tu refumes ?
    Il semblait tiraillé par l'idée de la cigarette, et massait nerveusement de son pouce l'emplacement vide et jauni entre son index et son majeur.
    -Tu en veux une ?
    -Non… Je ne fume pas.
    Il a reposé le paquet, presque soulagé. Il n'était pas rasé, et une maigre barbe blanche commençait à envahir son visage vieillissant.
    -Non, moi non plus.
    Il a montré la table d'un coup de menton.
    -Le costume, c'est pour toi.
    J'ai regardé l'ensemble noir. Il a reprit :
    -Il faudra que tu l'essayes, mais c'est le seul.
    Je n'ai pas répondu. Il était sûrement un peu court. Le costume avait d'évidence été acheté pour Gabriel, sans qu'il ne l'utilise qu'une ou deux fois. J'étais un peu plus grand, un peu plus maigre, mais ce n'était l'affaire que de quelques centimètres. Si je l'avais revu, il ne m'aurait sûrement, comme à son habitude, pas adressé la parole. Et pourtant dans deux jours, j'enfilerai son costume, et j'irai l'enterrer.
    -Une pluie comme ça en juin… C'est du gâchis.
    Small Talk. Du babillage. C'était une étudiante américaine qui m'avait appris l'expression, à l'époque où j'allais encore traîner dans les bibliothèques pour faire semblant d'y préparer mes diplômes. Elle était petite et vive, et m'avait soutenu qu'on ne faisait jamais plus de small talk qu'avant de faire l'amour. Avant de la prendre contre la commode de son minuscule studio, j'avais refusé de lui adresser la parole, par simple esprit de contradiction."

 

 



 

Samedi 13 août 2011 à 2:28

     Ça y est. Ça arrive. Je commence à oublier les nuit que j'ai passée avec deux d'entre elles. J'essaye de reconstituer son visage et son expression, mais ma mémoire y colle des photos d'elle qui n'ont rien à voir avec l'événement, comme pour excuser un système défaillant. Je ne veux pas oublier le regard terriblement excitant qu'elle m'avait jeté, en retournant son visage vers moi, alors que je la plaquais contre le lit, à chaque fois un peu plus loin. Les gouttes qui perlaient le long de son dos brillant et maculé de sueur, ses cheveux longs et souples collés à son front. Est-ce qu'elle gémissait ou est-ce qu'elle criait ? A quoi ressemblait ses ahanements ? Cela je ne m'en souviens pas. Si je n'écris pas tout ça, bientôt il ne restera plus rien. J'ai lu avec terreur qu'un souvenir remplaçait toujours la version précédente, à chaque fois qu'on l'invoquait au sommet de notre mémoire. Oublierais-je pourquoi je suis tant fasciné, un an plus tard, par l'intensité de l'acte sexuel qui nous avait unis ce soir là, par l'hésitation, et l'absolue étrangeté de l'approche ?

Peut-être en avait-elle envie depuis longtemps. Nous avions tous les deux couchés avec nos avatars, ce soir là, je cherchais son image et elle fantasmait Distantwaves. Le plus troublant à peut-être été que ce furent finalement François et elle, simplement elle, qui se retrouvèrent nus, l'un à l'intérieur de l'autre, reprenant leur souffle et finalement plus ensemble que ne l'avaient jamais été leurs pseudonymes. Il faut à tout prix que je conserve ce moment, ses tâches de rousseur et sa peau blanche.

Et bien plus loin que nos deux sexes, ce regard, son regard, ceux que ne connaissent que ceux qui l'ont un jour possédée, et l'abandon dans la jouissance, ce formidable instant d'intimité qu'elle m'a offert lorsque, au plus fort du moment, et pour quelques secondes, elle a enfin été à moi. A moi. A moi. A moi !

Mercredi 10 août 2011 à 2:26

    On s'étonnerait presque, parfois, de la vitesse avec laquelle la jalousie peut vous sauter au ventre, alors qu'on l'avait presque oubliée. Il suffit d'une main légère qui frôle une cuisse qui nous a un jour appartenu, ou pire encore d'une femme amoureuse d'un autre, pour que subitement, la vieille brûlure vienne reprendre sa place douloureuse au creux de notre estomac. On l'accueille alors de guerre lasse, avec l'ennui douloureux des vieux ennemis, sans éclat et sans panache. On a arrêté de se battre il y a bien longtemps. 

    Les amis les plus fidèles ne sont plus alors que des chiens sans collier. J'aurai sûrement cherché à deviner la naissance de tes fesses sous cette robe blanche magnifique que tu sais laisser ouverte dans le dos, précisément assez pour enflammer ma gorge et mon esprit. Au milieu de cette fête que toi seule peut créer, j'aurai fait tâche, noir et gêné, perdu entre ces robes blanches qui tournoient comme irréelles, dans la douceur de l'été. Il y a là dehors quelqu'un qui te comble, quelqu'un à qui tu offres jusqu'à la dernière de tes tâches de rousseur.


En sologne, peut-être, je t'aurai observé jouer du piano, entourée d'enfants. Mais je suis Seurel, j'ai toujours été Seurel, boitillant derrière tes Augustins.

 

C'est surement la seule vérité la stricte que l'on puisse évoquer à mon propos. Je suis le jeune François Seurel, j'observe, j'admire, je jalouse et j'écris.

 


Mardi 14 juin 2011 à 5:28

Et s'endormir au lever du jour.

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