Ça y est. Ça arrive. Je commence à oublier les nuit que j'ai passée avec deux d'entre elles. J'essaye de reconstituer son visage et son expression, mais ma mémoire y colle des photos d'elle qui n'ont rien à voir avec l'événement, comme pour excuser un système défaillant. Je ne veux pas oublier le regard terriblement excitant qu'elle m'avait jeté, en retournant son visage vers moi, alors que je la plaquais contre le lit, à chaque fois un peu plus loin. Les gouttes qui perlaient le long de son dos brillant et maculé de sueur, ses cheveux longs et souples collés à son front. Est-ce qu'elle gémissait ou est-ce qu'elle criait ? A quoi ressemblait ses ahanements ? Cela je ne m'en souviens pas. Si je n'écris pas tout ça, bientôt il ne restera plus rien. J'ai lu avec terreur qu'un souvenir remplaçait toujours la version précédente, à chaque fois qu'on l'invoquait au sommet de notre mémoire. Oublierais-je pourquoi je suis tant fasciné, un an plus tard, par l'intensité de l'acte sexuel qui nous avait unis ce soir là, par l'hésitation, et l'absolue étrangeté de l'approche ?
Peut-être en avait-elle envie depuis longtemps. Nous avions tous les deux couchés avec nos avatars, ce soir là, je cherchais son image et elle fantasmait Distantwaves. Le plus troublant à peut-être été que ce furent finalement François et elle, simplement elle, qui se retrouvèrent nus, l'un à l'intérieur de l'autre, reprenant leur souffle et finalement plus ensemble que ne l'avaient jamais été leurs pseudonymes. Il faut à tout prix que je conserve ce moment, ses tâches de rousseur et sa peau blanche.
Et bien plus loin que nos deux sexes, ce regard, son regard, ceux que ne connaissent que ceux qui l'ont un jour possédée, et l'abandon dans la jouissance, ce formidable instant d'intimité qu'elle m'a offert lorsque, au plus fort du moment, et pour quelques secondes, elle a enfin été à moi. A moi. A moi. A moi !