Jeudi 11 juin 2009 à 17:07

    On se déplace légèrement dans le grenier poussiéreux, quelques vieilles malles entrouvertes laissent échapper les souvenirs perdus d'une autre époque. La lumière filtre à travers 4 carreaux, illumine d'une blancheur sale le plancher de longues lattes en bois, et donne à toute la pièce un côté un peu surnaturel. Dans un coin, un mannequin, quelques peluches au regard étrangement fixe, pas un seul mouvement. On pourrait trouver ici la correspondance secrète de deux amants que leur pays en guerre séparait, il y a cent ans. Tout est vieux, et à mesure que l'on suit cette mansarde sous les toits, c'est un autre monde qui apparaît à nos yeux. Des robes d'antans, longues et amples, des documents jaunis, officiels, de vieux jouets, une médaille quelconque, la boîte à secret qu'avait caché un homme si sérieux, qui n'était qu'un enfant alors, et qui l'avait oublié, et puis qui était mort.

Tout au fond de la pièce résonne l'étrange mélodie d'un piano désaccordé. Son maître est mort il y a cent cinquante ans, et depuis il joue tout seul, et le grenier résonne des mélodies oubliées, et les souvenirs se lèvent dans la poussière, et revivent à nouveau.



Dimanche 7 juin 2009 à 20:11

    Il est parti, comme ça au loin, personne ne l'a jamais revu. Quelque part, c'était son enfance qui s'échappait à travers les bois obscurs. Clopin-clopant. Désabusé. Il n'est plus resté qu'un vague mélange entre un jeune homme qui n'avait plus rien à foutre de quoi que ce soit, et un gamin plein de vie qui ne demandait qu'à sortir, et qui reprenait vie, quelque fois, dans un regard. 

On ne l'a plus jamais vu élever la voix, bien sur. Il l'avait cassée trop jeune.

Samedi 6 juin 2009 à 17:32

    J'ai revu un fantôme, hier soir, vieux de quatre ans. Il a surgi, simplement, dans la brume vaporeuse de la nuit noire, devant moi. J'avancais sans savoir, moi et ma vieille veste, mal rasé, la tête prise par tant de problèmes à régler, et elle est apparue devant moi, comme ça, avec sa simplicité désarmante et son charme discret, que j'avais oublié. 

    Il s'en est passé des choses en quatre ans. La dernière fois que je l'avais vu, je commençais la basse, je venais d'ouvrir ce blog, je n'avais jamais touché un seul agrès de jonglerie. J'étais toujours amoureux de fantômes, presque plus que maintenant, à vrai dire. Elle en a fait partie. Avec son sourire timide, et nos nuits blanches sur l'ordinateur, je suppose qu'elle en a fait partie. Comme elle. Comme elles. Comme toutes.

    C'est une période vraiment étrange, en ce moment. J'assiste à mes dernières heures de cours, je me lève pour la dernière fois de certaines salles de classes que j'ai fréquenté pendant trois ans. Je suis rempli d'une mélancolie que j'ai du mal à dissimuler. Jenn l'a remarqué, ce matin, elle était loin de se douter qu'elle est en partie cause de mon état. Beaucoup de choses que j'aurais du faire et que je ne ferais pas, que je laisse derrière moi, inachevées, poursuivre leurs routes, ou s'effacer dans le néant. 
   J'ai essayé de fixer certains détails dans ma mémoire, la cime des arbres que j'ai fixé pendant des heures, sa nuque, les messages qu'elle envoyait à d'autres personnes que moi, sous la table. Tout un rituel dont l'habitude m'avait fait perdre la saveur, que j'avais inscrit dans mon cerveau comme banal, et dont le spectacle ne me touchait plus. Aujourd'hui, alors que sonnait ma dernière heure dans cette salle de classe, j'ai pris conscience que je ne reverrai jamais, de ma vie, les instants auxquels j'ai eu accès pendant trois ans. J'ai compris que pour beaucoup, ils étaient rares, et beaux. J'ai maladroitement gribouillé "Ainsi meurt Mercutio", ma signature poétique, suivie d'une date, "2006-2009", sur la table. J'ai sûrement cru qu'il fallait que quelqu'un sache, que je ne pouvais pas juste disparaître, comme ça. J'avais vêcu ici, pendant trois ans, j'avais tremblé, je m'étais emmerdé, j'avais aimé. En l'écrivant, je ne pouvais m'empêcher de voir les dames de service, qui, dans quelques heures, l'effaceraient en plaisantant à autre chose, d'un coup de nettoyant, et n'y penseraient plus.

J'aurais encore tellement à écrire, bien sur, les après midi de musique, avec Zoreau, et Boris, ses mains sur le piano, j'entends encore nos discussions sur des morceaux, comme l'enregistrement d'une autre époque, déjà révolue, dont on écoute les voix sans pouvoir y mettre de visages. La jeunesse envolée de trois personnes qui avaient crues qu'elles pourraient devenir célèbres. Qui se souvient de leurs noms ?


Je m'effacerai, mes amis, je finirai par disparaître dans la brume meurtrière du temps, et malheureusement, j'ai bien peur de ne devenir le fantôme de personne.

Jeudi 4 juin 2009 à 21:50


    Je suis allé voir ce film, qui est bouleversant. Il est terriblement d'actualité. On me traitera de révolutionnaire, mais la société dans laquelle on vit actuellement, société dans laquelle on ne peut même pas, suivant les droits de l'homme, porter assistance à un homme parce qu'il est en situation irrégulière, m'effraie, me terrifie. Je sais que je me battrai toujours pour faire respecter ce droit, quitte à me mettre moi même hors la loi. Parce que ce n'est pas, et ce ne sera jamais ma loi. Je suis pour que les hommes vivent, quels qu'ils soient, quelle que soit leur situation. Réfugié ou pas. Soi disant "hors la loi" ou pas. 


Et ceux qui pensent le contraire ne méritent que le mépris et le rejet.


Regardez bien ces images. Vous vivez là-dedans.

                                     
 

Mardi 2 juin 2009 à 19:31

      Pieds nus. Chemise, manches retroussés, en sueur, des heures de travail, à devenir fou, mais la récompense, mes amis, quelle récompense... Et les pages qui défilent dans le silence le plus total, et la fin, enfin, quand tout s'arrêtera et que l'on en aura terminé. Concentration, structure, se laisser porter. 

Pieds nus, j'ai retrouvé mon personnage, perdu au beau milieu d'un train indien. "All characters are fictionnals", of course. C'est ce qu'on disait à tout le monde. 

Quand je suis allé voir "The Darjeeling Limited", je me suis tout simplement retrouvé dans le personnage de Jack, the "lone wolf". Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé, regarder un film et se rendre compte qu'on est là, devant soi, avec ses bons côtés, ses défauts. A écrire pour écrire, un jour je me retrouverai peut être à jouer un personnage comme ça, à écrire un roman qui me rendra célèbre. Bon sang, vous voulez connaître mes rêves ? Je veux devenir un grand comédien, jouer des rôles profonds et superbes. Je veux écrire des romans inoubliables, qui précipiteront le lecteur dans une réflexion sur l'homme, ses limites, sa souffrance, qu'on sorte de ma lecture en transe, sublimé. Je veux l'immédiat des concerts avec mon groupe de musique et la chaleur de la scène, les notes, les cris, la fumée. Je veux qu'on m'aime, enfin, qu'on reconnaisse mon travail, qu'on m'envie, qu'on me considère comme le meilleur. Je veux, égoïstement et sans scrupules, devenir quelqu'un d'inoubliable. Je ne veux pas qu'on m'oublie.

Alors pour ça je passerai des heures à écrire, dans mon bureau, des nuits de délire, je passerai des jours à me concentrer sur tel ou tel rôle, je travaillerai plus dur que n'importe qui pour le conservatoire, je me donnerai à fond en concert, et bon sang, je vivrai à cent à l'heure. Je veux écrire, je veux jouer, je veux vivre. Un jour, j'aurai, l'un ou l'autre, mais j'y arriverai. Parce que rien n'est plus fort que ma détermination. 

 

(But don't play with me, 'cause you're) Playing with Fire, des Rolling Stones.


 


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