Tout àl’heure je marchais au soleil chaud du boulevard,
sale et brut et suffoquant, et je pensais àtoi,
qui suffoque, qui perd pied,ÂÂ
j’ai perdu le talon gauche de ma chaussure,
Je claudique un peu,ÂÂ
En marchant, et je pense àton cerveau qui boîte, lui aussi,
de temps en temps,
Où vas tu mon repère, mon point d’ancrage,
sommes nous écrivains, poètes amis, ou juste,
miroirs de nos espérances ?
Viens àBruges, àBerlin,
Je te suivrai comme tu t’en doutes,
comme nous nous faisons exister,
J’ai peur de pleurer ton corps couvert de cicatrices,
Ton humour grinçant,
L’affection que je te portes, Meaulnes,
L’affection que je te dois,
Quand tu m’as accueilli, couvert de haine,
comme tu n’as rien dit, juste,
fais état de ta grande carcasse malhabile,
toi qui savait, qui revenait de plus loin encore,
toi qui savait qu’il ne fallait rien dire,
abonder en mon sens,
attendre que j’arrête de trembler,
et fumer une cigarette,
Anaëlle est partie,
La haine revient, parfois, dans le gâchis de mes souvenirs,
Une amante dont j’ai oublié les contours,
Je suis comme un enfant calme, maintenant,
mais ne meurs pas,
n’arrête pas d’écrire,ÂÂ
Je suis poète parfois et toi tu n’es rien d’autre,
Viens àBruges, àBerlin,
écris, comparons nos poèmes,
Il n’y a plus de masure, sous les toits, plus assez d’alcool,
On peut guérir, je crois.
La tonalité fausse du métro, je lève les yeux pour t’attendre,ÂÂ
Je t’attendais depuis longtemps déjà,ÂÂ
Ramène ton grand corps d’écorché plein d’amour.