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   Passer une saison ailleurs. Ailleurs dans sa tête et dans son corps, ailleurs pour les autres et pour soi même. Etre étranger à soi même. Partir sur place. C'est comme quand on brise un rêve, les enfants, écoutez bien. Le son du cristal qui se fracasse et la fumée qui s'envole, insaisissable et perdue à jamais. Souvent, on croit être au dessus, non, je me corrige, souvent on croit être à part, privilégié par une situation, par une personne, et on garde ce sentiment secret, caché aux yeux de tous.Â
"Ce sera notre secret." Et on le garde au fond de soi, fier, comme un enfant qui est le seul à avoir vu la bêtise, et qui ne le dira à personne, promis juré.
Et puis il faut aller au fond des choses; il y a aussi celle qui en soi, me donne envie de garder des secrets. Il y a certaines femmes... Je ne suis en aucun cas amoureux, ça n'a rien à voir, mais elles sont attirantes et j'aime parfois me savoir privilégié sur un quelconque point, par rapport aux autres. Alors quand on prend ce secret et qu'on l'emporte au loin de moi, pour le donner aux autres... Tout s'évapore. La magie se disloque, l'instant disparaît et le rêve se fracasse au sol, tordu et brisé. Soudain, je me sens étranger, alors il faut partir, vite, gêné et honteux, comme le gamin amoureux de la maîtresse d'école qu'on a pris en faute à rêver à ailleurs.
Passer une saison ailleurs. Sans bouger, devenir quelqu'un d'autre.
 Sous le bruit impitoyable des fantasmes qui se brisent.