Le plus terrible à été, je crois, de se rendre compte que ma mémoire n'est pas infaillible, et que petit à petit, Tiphaine est en train de s'effacer de ma mémoire. Son visage me parait de plus en plus flou, ses sourires, toutes ses manies et ses attitudes qui m'avaient rendu fou d'amour semblent m'échapper aujourd'hui. Je ne veux jamais l'oublier, mais le temps fait son oeuvre de mort, et oxyde son visage et ma passion, lentement, petit à petit.
   Lorsque le piano a recommencé et qu'il a été temps pour moi de me placer correctement face au micro, j'étais dans l'émotion correcte. J'avais peur, peur de l'oublier, et mal au coeur, parce qu'il ne se passe toujours pas une semaine, presque deux ans plus tard, sans qu'elle me hante perpétuellement, sans que je l'imagine au détour d'un métro, d'un concert, d'une rue vide. En lançant mes premières paroles au micro, j'ai pu mentir comme il le fallait. J'ai pu lui dire de m'oublier, de refaire sa vie. Quel beau mensonge. Je veux qu'elle me retrouve. Plus que tout, je veux la revoir.
   Aucune fille, je dis bien aucune, de Charlotte à Léna, ne m'a autant hanté, aussi longtemps, aussi durement. Je ne vois qu'elle, fantôme quotidien de ma vie de tous les jours, et maintenant j'ai peur, bon sang, j'ai peur que son visage ne s'efface de ma mémoire avant d'avoir pu la revoir au moins une fois.
Ne m'oublie pas.
Bye.