Il
était toujours assis à la même table, une cigarette éternellement
accrochée à ses lèvres. Il avait cette manie de regarder au
loin, comme si il attend quelqu'un en fait. Mais il quittait toujours la salle
seul. Ca n'était pas le genre de garçon à que l'on faisait attendre
pourtant, le genre séducteur, Don juan, tout ce que tu veux qui va
dans ce sens, un mec qui finira vieux beau à coucher avec des minettes
en fleur quoi.
Cela faisait un an qu'il fréquentait ce bar, j'avais appris à le connaître sans même lui parler. Je connaissais ses amis, ses habitudes, ses défauts, ses addictions. Il avait quelque chose de différent des autres baratineurs.
Il puait les coups mal encaissés, ça se lisait dans son regard, et puis ses sourires sonnaient tellement faux parfois. C'était le cas banal du mec qu'on a forcé à grandir, qui a voulu tout assumer, protéger les autres et qui s'était planté. Evidemment, ce genre de mec, pour les autres c'est rassurant, évidemment, on sait sur qui taper, on se dit qu'il tiendra le choc de toute façon et puis, dans le fond, sa santé mentale, qu'est-ce qu'on s'en fout. Donc il était devenu impulsif, irresponsable, violent. Pas agressif, non. Simplement sensible, hypersensible, il prenait les choses trop à coeur, voilà tout. Le nombre de fois où j'ai vu ses poings bleuis, écorchés. J'aurais pu parier que lorsque la situation lui échappait, il se défoulait contre un mur. Et il croyait bien encaisser en plus. Petit con. Histoires de famille, je suppose. En fait, il avait du passer sa vie à mentir pour cacher aux autres, et accessoirement à lui-même, sa véritable nature de gentil protecteur. Il était ce qu'on attendait qu'il soit, tout simplement. Tout ça l'avait plongé dans la drogue, la luxure et le je-m'en-foutisme. Enfin, le je-m'en-foutisme feint.
Je savais que dans le fond il était gentil - ou était-ce simplement mon besoin de croire aux clichés, et, ici, à celui du vilain méchant qui a un coeur d'or en vrai. C'était ça qui était triste, un type bien avait du feindre d'être un salaud parce que ça arrangeait bien les autres.
Et puis, il s'est accommodé de cette image. Elle lui plaisait sans doute même. Il aimait être fort et intouchable. Bof, que des apparences tout ça
Il paraissait tellement abandonné, assis à sa putain de table ce soir là . Désabusé, perdu, je sais pas. J'avais fini mon service alors je me suis posée en face de lui et je l'ai regardé dans les yeux. Il s'est tourné, a pris sa respiration et m'a déballé toute sa vie. La mort de son grand-père, les tentatives de suicide de sa mère, les infidélités de son père suivies des infidélités de sa mère, comment il a plongé dans la drogue, les vols pour pouvoir se payer sa daube, les deels, sa petite soeur qu'il voulait protéger, Charlotte qu'il avait laissé partir, ses amantes pour combler le vide, ses mensonges, le crépis. Je l'ai écouté parler, longtemps, sans détacher mes yeux des siens. Mais le bar a fermé rompant le charme, alors nous nous sommes quittés. Et je ne l'ai plus jamais revu.
Cela faisait un an qu'il fréquentait ce bar, j'avais appris à le connaître sans même lui parler. Je connaissais ses amis, ses habitudes, ses défauts, ses addictions. Il avait quelque chose de différent des autres baratineurs.
Il puait les coups mal encaissés, ça se lisait dans son regard, et puis ses sourires sonnaient tellement faux parfois. C'était le cas banal du mec qu'on a forcé à grandir, qui a voulu tout assumer, protéger les autres et qui s'était planté. Evidemment, ce genre de mec, pour les autres c'est rassurant, évidemment, on sait sur qui taper, on se dit qu'il tiendra le choc de toute façon et puis, dans le fond, sa santé mentale, qu'est-ce qu'on s'en fout. Donc il était devenu impulsif, irresponsable, violent. Pas agressif, non. Simplement sensible, hypersensible, il prenait les choses trop à coeur, voilà tout. Le nombre de fois où j'ai vu ses poings bleuis, écorchés. J'aurais pu parier que lorsque la situation lui échappait, il se défoulait contre un mur. Et il croyait bien encaisser en plus. Petit con. Histoires de famille, je suppose. En fait, il avait du passer sa vie à mentir pour cacher aux autres, et accessoirement à lui-même, sa véritable nature de gentil protecteur. Il était ce qu'on attendait qu'il soit, tout simplement. Tout ça l'avait plongé dans la drogue, la luxure et le je-m'en-foutisme. Enfin, le je-m'en-foutisme feint.
Je savais que dans le fond il était gentil - ou était-ce simplement mon besoin de croire aux clichés, et, ici, à celui du vilain méchant qui a un coeur d'or en vrai. C'était ça qui était triste, un type bien avait du feindre d'être un salaud parce que ça arrangeait bien les autres.
Et puis, il s'est accommodé de cette image. Elle lui plaisait sans doute même. Il aimait être fort et intouchable. Bof, que des apparences tout ça
Il paraissait tellement abandonné, assis à sa putain de table ce soir là . Désabusé, perdu, je sais pas. J'avais fini mon service alors je me suis posée en face de lui et je l'ai regardé dans les yeux. Il s'est tourné, a pris sa respiration et m'a déballé toute sa vie. La mort de son grand-père, les tentatives de suicide de sa mère, les infidélités de son père suivies des infidélités de sa mère, comment il a plongé dans la drogue, les vols pour pouvoir se payer sa daube, les deels, sa petite soeur qu'il voulait protéger, Charlotte qu'il avait laissé partir, ses amantes pour combler le vide, ses mensonges, le crépis. Je l'ai écouté parler, longtemps, sans détacher mes yeux des siens. Mais le bar a fermé rompant le charme, alors nous nous sommes quittés. Et je ne l'ai plus jamais revu.
Ce texte a vraiment sa place ici, sur ce blog (ce qui est en soi un compliment). Cela va très bien au propriétaire de ces lieux. Dommage qu'il ne soit pas signé (même si j'ai une petite idée de qui a pu l'écrire).