Samedi 17 mars 2012 à 11:58

    Ses traits. La ligne de son cou. Non, la ligne de sa mâchoire. Les yeux, bien sur. Les yeux. Les sommets souples de ses épaules devant moi. 



 

 

Ha oui, bien sur : Les mèches de cheveux que la sueur à collé à son front. Son regard encore embrumé par l'orgasme et l'amour.


En médecine et en psychologie, une obsession est un symptôme se traduisant par une idée ou un sentiment qui s'impose à la conscience du sujet qui le ressent comme contraignant et absurde, mais ne parvient pas à le chasser malgré ses efforts pour cela. Le sujet tentera de réprimer ces idées qu'il sait dévorantes, mais sans succès.



S'engage alors une lutte contre elles qui a pour effet d'augmenter dramatiquement l'anxiété du patient touché.

Jeudi 1er mars 2012 à 16:23

    "Lorsque le chien a déboulé de la cuisine pour me sauter dessus, j'ai eu l'impression de lire dans ses yeux qu'il voulait que je l'emmène loin d'ici. Il était magnifique, un berger gallois tacheté qu'on aurait cru tout droit sorti d'un tableau de Kyffin Williams, et une des plaques de poils noirs s'étendait de toute son oreille gauche jusqu'à l'un de ses yeux, et l'entourait. Elle l'a réprimé sévèrement et il lui a jeté un regard dégoûté avant de se traîner jusqu'à la cuisine. La dame m'a dit qu'elle ne l'aimait pas, qu'il avait fallu le garder sinon c'était la piqure, et qu'elle était humaine, tout de même. J'ai eu la désagréable sensation qu'elle se déchargeait sur ce chien hérité de toutes les imperfections de sa vie ratée, et que l'animal ne devait pas avoir une vie bien agréable. C'était pourtant de loin la plus belle chose qu'elle possédait.

[...]

 

    Sur le lit, la blonde n'avait l'air de rien faire, et je l'ai trouvée belle, et désoeuvrée. Elle nous a regardé en souriant pendant qu'il ouvrait son ordinateur portable, et il ne lui a pas jeté un regard. Je me suis demandé depuis combien de temps ils vivaient ensemble, et depuis combien de temps il ne la regardait plus. Elle restait là, assise, sans bouger, fixe et souriante comme un mauvais tableau. J'ai cherché du regard la fenêtre, comme souvent. Elle était masquée par un tissu rose vaporeux, et sans doute de mauvaise qualité. Elle était sensuelle, presque allongée sur le lit. Lorsqu'il a quitté la pièce, elle m'a jeté un regard adulte, et nous nous sommes tous les deux rendu compte du désir qui venait de nous saisir les reins. Elle devait avoir besoin de plaire à nouveau, et comme souvent, j'avais besoin de m'enfoncer au creux d'une femme. Elle n'a rien fait, mais tout était pourtant dit, dans cette pièce silencieuse qui venait subitement de se charger de ce brouillard pesant qu'est l'envie sexuelle. Malgré tout, je n'ai pas fait un geste, je n'ai pas bougé. Sans doute principalement parce que mon désir s'est très vite mué en terreur lorsque j'ai cru reconnaître le même regard dans ses yeux insistants que celui du chien qui avait voulu que je l'emmène avec moi."




Dimanche 5 février 2012 à 15:19

    Mélancolie latente. La neige, que tout le monde attendait, qui est tombée, inutile, devant mes yeux. Je me suis fait la réflexion légère, comme chaque année, que c'était un vrai symbole de l'enfance, cette neige, et que notre impatience de bambin était déconnectée par les vrais problèmes de la vie, ceux qui tordent le ventre, comme une fiche qu'on désactive, à l'âge adulte. Mon ordinateur ne démarre plus. Impossible d'écrire, vraiment, pendant longtemps, comme je le faisais si bien ces derniers temps. Toute cette neige de merde, et moi, tout seul, dans le train. Mon bouquin dans la poche, c'est souvent Jim Harrison, ça a été Roth, c'était pas si bien, Paul Auster, Modiano c'est Breat Easton Ellis, en ce moment, je ne sais pas encore si c'est bien. J'ai relu Patrick Cauvin, qui est un vrai écrivain, un vrai de vrai, même quand il écrit à la place d'enfants, il sait, il a "ce truc". Didier Van Cauwelaert, bientôt, un très beau livre que j'avais commencé sans jamais le finir. Toujours Jim, toujours les couloirs de cette faculté où je n'ai pas ma place. Une connaissance m'a donné une nouvelle qu'il a écrit, enfin quelques pages, et c'est sans talent, du début à la fin, il y a quelques étincelles, mais c'est totalement stéréotypé, et c'est dommage. Je ne lui dirai pas, je ne lui dirai rien. Ça fait trois semaines. Ça fait cinq mois que je n'ai rien dit à personne je crois. Maxence, un peu tout le temps, se traîne avec moi, il est au courant de tout, c'est un peu le dernier qui est là tout le temps. Mon meilleur ami est parti pour son travail, il a ses problèmes, ses horaires, on se voit moins, toujours avec le même plaisir, mais ce n'est pas pareil que les soirées où on se défonçait en écoutant des disques, la seule personne avec qui je faisais ça. Et puis le train, et la neige. Mes écouteurs dans le métro, le bouquin dans la poche, toujours un peu pareil. Je ne fais rien d'autre qu'écrire, et quand je n'écris plus, c'est reparti pour un tour, tout me hérisse, je ne peux plus approcher de rien, sans être assailli par les angoisses, et puis Maxence est là, alors on se voit. Ma mère s'est brisée la cheville, elle est immobilisée, là, chez-elle, et c'est sûrement moi qui ai peur, mais j'y vois comme une préfiguration de sa vieillesse, et de sa mort. Toujours les mêmes angoisses. Mon père le sent, il est à côté d'elle, il l'aide pour tout, mais je sens qu'au fond de lui, il est terrifié, de la même peur que moi, je le vois dans ses yeux, dans le ton de sa voix, dans son agressivité de grand animal blessé. Il n'a rien résolu. Je reste longtemps devant la cheminée, et une part de moi, la plus horrible veut fuir et foutre le camp, parce que je ne m'y résous pas, je suis terriblement humain sur ce cas de figure.

    Devant la cheminée, je me suis aussi dit qu'on était rien de plus qu'une famille ordinaire, qui se meurt à petit feu, les uns après les autres. La vie m'a révolté, comme souvent. J'ai pensé que la solitude avait cela de fantastique qu'on n'avait pas à voir souffrir ceux qu'on aime. Je me suis dit qu'à la seconde où j'arrêtais d'écrire, je n'étais plus rien. Allongé sur mon lit, tout à l'heure, sur le matelas de Maxence, avec Chloé, et Alban, hier soir, j'ai fait défiler ses photos sur mon téléphone portable. Elle a l'air belle et épanouie, elle n'a pas changé. On a plaisanté, il y a quelques jours, par sms, et moi je riais jaune, et je me perdais dans ses photos. J'ai regretté de ne pas en avoir pris plus. J'ai regretté tout le reste.

La neige, toujours, partout, dégueulasse. Mes colères, pour rien. L'âge adulte.

Mardi 17 janvier 2012 à 19:16

    Quelle était juste, cette expression employée il y a quelques mois : en face d'une femme désirable, les amis les plus proches ne sont plus que des chiens sans collier. J'en ai été un moi-même, j'imagine, mais amoureux, au moins, avec son lot de noblesse et de ridicule. Et quand plus tard, j'apprends qu'une peau que j'ai aimé s'est faite sauter, baiser, pénétrer, quand j'imagine le pied qu'elle a pris, la réalisation du fantasme, le plaisir de se faire culbuter, les yeux révulsés de plaisir animal, subitement, j'ai une légère envie de vomir et de haïr le monde. Mais tout passe, et finalement, rien n'est important. Ni, elle, ni lui.

Ni personne.

Mardi 3 janvier 2012 à 2:26

-Et tu l'a revue ?

-Non. Pas vraiment. Pas depuis longtemps.

Elle ne savait pas quoi répondre, alors elle l'avait regardé, longtemps, se consumer sur le lit, allongé à côté d'elle. Il avait reniflé un peu, dans le silence des rideaux tirés. Ils n'avaient pas fait l'amour. Elle l'avait bien pris en bouche, au début, mais il avait semblé ailleurs.

-Parle moi d'elle.

Il l'avait regardé, en souriant un peu, et elle s'était dit qu'il était vraiment dommage que ce sourire ne lui soit jamais destiné, mais qu'elle n'y pouvait rien. Lui était resté pensif, un instant, comme pour tenter de découvrir ce qui la caractériserait, ce qui la décrirait le mieux.

-Elle avait cette... manière de soupirer dans la jouissance, d'ahaner, de... serrer les draps dans ses poings...

Elle découvrit qu'il bandait et sourit discrètement.

-Et moi, comment je jouis ?

Il la regarda comme s'il ne la comprenait pas, et dit :

-Différemment.

Elle avait recommencé à le caresser, et il éprouva du plaisir alors que les larmes lui montaient aux yeux.






 

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | Page suivante >>

Créer un podcast